- SINGHALAISES (LANGUE ET LITTÉRATURE)
- SINGHALAISES (LANGUE ET LITTÉRATURE)Le singhalais est l’une des deux langues officielles de Sri Lanka, l’autre étant le tamoul. Il est utilisé pour l’instruction à tous les niveaux d’enseignement. Le singhalais est parlé par 74 p. 100 d’une population qui s’élève à 17 616 000 (selon une estimation de 1993), soit environ 13 millions de personnes. Bien qu’il soit géographiquement coupé des autres langues indo-aryennes, le singhalais en fait incontestablement partie. Les influences dravidiennes par le tamoul ne sont pas pour autant négligeables, et elles ont d’abord fait croire aux érudits européens intéressés par le singhalais qu’il s’agissait d’une langue dravidienne. Le premier à démontrer son caractère indo-aryen fut d’Alwis (1865). Avec le dictionnaire étymologique de W. Geiger l’appartenance du singhalais à la famille indo-aryenne est irréfutablement établie. Mais il est possible qu’il y ait un substratum non aryen et non dravidien venu notamment des Ve ボボa, tribu aborigène d’origine inconnue. Comme la langue, la littérature singhalaise doit sa naissance et son existence au bouddhisme, facteur culturel dominant depuis le IIIe siècle avant J.-C. L’histoire littéraire de Sri Lanka est imprégnée de littérature p li et aussi, plus tard, de littérature sanskrite. Une littérature profane se développe seulement au XXe siècle. En outre, il existe une littérature populaire fortement inspirée par le folklore dravidien de l’Inde méridionale.La langueDescription diachronique et description synchroniqueLe singhalais est issu de la langue des colonisateurs aryens venus à Sri Lanka au Ve siècle avant J.-C. Il y a deux théories quant à l’origine des colons: l’une dit qu’ils vinrent du nord-est de l’Inde, c’est-à-dire du Bengale (Shahidullah), l’autre qu’ils émanaient du nord-ouest. Dans ce dernier cas, le singhalais serait apparenté au mar レh 稜 et au gujr t 稜. La question n’est pas et ne peut pas être résolue par le seul témoignage linguistique, mais pourrait l’être éventuellement par la recherche historique. Une chose reste sûre: la langue des premiers colons était un pr k リt du haut moyen indien.L’étude diachronique du singhalais est facilitée par «une merveilleuse série de documents épigraphiques de l’ère chrétienne aux Temps modernes» (L. Renou). Geiger distingue quatre périodes: 1o le pr k リt singhalais, de 200 avant J.-C. au Ve siècle de notre ère, où l’on ne saurait parler d’un pr k リt singhalais distinct des pr k リts indo-aryens de l’Inde septentrionale; 2o le protosinghalais du Ve au VIIIe siècle de notre ère; 3o le singhalais médiéval du VIIIe au XIIIe siècle; 4o le singhalais moderne à partir du XIIIe siècle. (Ce n’est qu’à partir du XIIe siècle que le singhalais devient une langue véritablement apte à l’expression littéraire.)Le singhalais est un produit du bouddhisme, auquel il doit tout. Cette langue était le véhicule nécessaire pour enseigner et expliquer le p li, langue sacrée du bouddhisme. Il est significatif que les premiers documents – hors des inscriptions – écrits en singhalais soient des glossaires pour le canon bouddhique, ainsi le Dampiy A レuv Gä レapadaya (compilé par le roi Kassapa V, 913-923) et qui est un glossaire pour le Dhammapada’ hakath .Les Singhalais appellent leur langue e ヤu , (h )e ヤu , ce qui signifie «appartenant au (H)e ヤa», (h )e ヤa étant la forme singhalaise du p li s 稜hala (Sri Lanka).L’héritage du p li apparaît aussi dans l’alphabet qui comme tous les alphabets indiens remonte à l’écriture br hm 稜. Si l’écriture singhalaise ressemble fortement aux écritures du Sud, «[elle n’en] est pourtant pas une simple variété» (J. Filliozat). Remarquons que l’écriture comporte des signes spéciaux pour les consonnes aspirées, inexistantes en singhalais, mais présentes en p li et en sanskrit. Les inscriptions mises à part, l’écriture singhalaise fut d’abord employée pour le canon bouddhique.La description synchronique du singhalais est rendue difficile par le manque d’études linguistiques, ainsi que par l’écart considérable entre la langue écrite et la langue parlée. Car, curieusement, la première n’a guère changé depuis le XIIIe siècle, de sorte que le Singhalais cultivé d’aujourd’hui est pour ainsi dire bilingue.Toutes les grammaires descriptives ou normatives écrites en singhalais se sont fondées sur le Sidatsa face="EU Caron" ゴgar va , grammaire du XIIIe siècle de notre ère. Cette grammaire, qui suit la tradition grammaticale tamoule et non la tradition sanskrite, s’adresse particulièrement aux poètes en expliquant la langue versifiée comparée à la prose, ressentie comme normative. Le prestige du Sidatsa face="EU Caron" ゴgar va a figé l’investigation grammaticale du singhalais et empêché toute étude de la langue parlée jusqu’à 1891, où A. M. Gunasekara écrivit sa Comprehensive Grammar of the Sinhalese Language . Mais Gunasekara ne fait pas nettement la distinction entre la langue littéraire et la langue parlée, et sa grammaire dans son ensemble est celle de la langue écrite.Ce fut Geiger qui entreprit l’étude diachronique du singhalais dans Literatur und Sprache der Singhalesen (1900), puis dans A Grammar of the Sinhalese Language (1938). La grammaire synchronique du singhalais contemporain parlé reste à faire, bien que Sinhalese, the Spoken Idiom (1962), de D. Garusinghe, et Colloquial Sinhalese Clause Structure (1968) par J. W. Gair constituent un grand pas en avant.Caractéristiques linguistiquesEn raison de l’hésitation manifestée par les érudits avant de rattacher le singhalais à la famille indo-aryenne, il convient de considérer quelques caractéristiques linguistiques qui en sont responsables. On notera l’absence de consonnes aspirées, trait que le singhalais partage avec les langues dravidiennes, et qui est dû sans doute à l’influence tamoule. L’opposition phonologique entre consonne simple et consonne géminée n’existe pas dans les autres langues indo-aryennes; celles-ci opposent voyelle brève et voyelle longue, ce qui est aussi le cas du singhalais. L’Umlaut (métaphonie) indo-aryen persiste malgré l’altération des voyelles par l’environnement dravidien: ainsi, dans le système verbal, ka- («manger») est le thème du présent, et kä- celui du prétérit. Les consonnes dites prénasalisées sont un phénomène propre au singhalais. Elles consistent en une nasale extrêmement brève précédant une occlusive, et s’opposent au groupe consonantique nasale + occlusive: ainsi / bambu / «le dieu Brahma»; / bambu / «bambou». L’accent n’a pas de valeur phonologique.Le singhalais connaît trois genres: le masculin, le féminin et le neutre. Mais cette division est trompeuse. Le vieux singhalais décrit dans le Sidatsa face="EU Caron" ゴgar va ne connaissait que le masculin et le féminin, le neutre se confondant avec le masculin. Ensuite se développa un «neutre», qui n’est autre chose que l’inanimé. La distinction véritable se fait entre noms animés et inanimés, comme c’est le cas des langues dravidiennes.Le pluriel des noms inanimés se fait avec un suffixe -val , d’étymologie incertaine. Gunasekara y voit une influence dravidienne; il y a pourtant des langues indo-aryennes qui forment le pluriel à l’aide de suffixes (bengali, népali).On distingue deux cas: direct et oblique. Au dernier sont attachés des suffixes indicateurs de fonction que Geiger essaye de dériver des noms p li; de même, il voit dans l’oblique des traces d’anciennes désinences p li.En singhalais moderne, il y a deux systèmes verbaux: l’un pour la langue parlée, l’autre pour la langue écrite. Dans la langue écrite, le verbe est pourvu de désinences personnelles, utilisées pour tous les temps. La langue parlée emploie les participes pour exprimer les temps; les participes adjectivés ne prennent pas de désinences personnelles, ce qui simplifie beaucoup le système verbal.Le relatif fait défaut, comme dans les langues dravidiennes. On signalera toutefois que l’indo-aryen peut circonscrire le relatif au moyen des participes, ce que fait aussi le singhalais: .ädur visin umba- レa dun pota kotana-da? («Le livre que le professeur vous a donné, où est-il?»; littéralement: «par le professeur à vous donné livre, où est-il?»). La même structure de phrase existe en hind 稜, qui pourtant possède un pronom relatif.Le mahl, langue des Maldives, est un dialecte singhalais. Par contre, la langue des Ve ボボa ne l’est pas. Le parler ve ボボa est un sabir, fortement influencé par le singhalais. Le statut du parler rodiya reste à établir.La littératureAvec ses glossaires, ses commentaires, ses traités sur la doctrine, ses chroniques des communautés monastiques, ses traductions des sutta p li, la littérature singhalaise débute sous l’égide bouddhique et ne la quittera jamais vraiment. La vie et les prouesses du Maître (qu’il s’agisse de Bodhisattva ou de Buddha) inspirent tout naturellement les premières œuvres originales. L’Am vatura (Le Fleuve d’ambroisie ) par Guru ヤugomi (XIIe s.) et le P j valiya (L’Histoire des rites ) de May rap du, «écrit dans la trentième année du règne de Par kramab hu II», soit en 1266, sont les plus célèbres dans la prose la plus ancienne.Le P j valiya contient deux chapitres relatifs aux rois de Sri Lanka. En effet, la littérature historique singhalaise est capitale dans la mesure où elle permet souvent d’établir une chronologie des faits indiens plus sûre que la littérature historique de l’Inde, où les légendes merveilleuses l’emportent sur la vérité historique. La chronique la plus importante est le Th pava ュsaya (L’Histoire de Mah th pa ) de Par krama Pa ユボita, souvent pris à tort pour une traduction du Mah th pava ュsa en p li. Plus axé sur l’histoire du bouddhisme singhalais est le D レh va ュsaya de Dhammakitti Thera. Ce type de littérature se poursuit tout au long de l’histoire de Sri Lanka.L’épanouissement de la poésie singhalaise commence au XVe siècle avec えr 稜-R hula Thera, habituellement appelé Totagamuva d’après son village d’origine dans le sud du pays. Son Sä ヤalihi ユisand 勒 ごaya (L’Étourneau messager ) mérite l’attention pour ses qualités poétiques et pour son genre. C’est un k vya d’inspiration sanskrite, composé sur le modèle du Meghad ta (Le Nuage messager ) de K lid sa, auteur sanskrit du IVe siècle de notre ère. Le genre s’est rapidement répandu, et l’île de Sri Lanka est survolée par des perroquets, des paons, des pigeons, des cygnes, des coucous jouant le rôle de messagers poétiques. Tandis que l’original est un poème érotique, les imitations singhalaises sont plutôt chastes et souvent bouddhiques. Le bouddhisme met encore son empreinte sur l’imagination poétique et distingue ainsi la poésie singhalaise du grand courant de la poésie indienne.On ne saurait quitter la littérature singhalaise classique sans mentionner la littérature chrétienne et plus encore la littérature populaire. La première n’a guère de valeur littéraire, car il s’agit pour la plupart – à l’exception des traductions de la Bible – de polémiques entre chrétiens et bouddhistes. La seconde, en revanche, est très intéressante: outre le bouddhisme populaire (des J taka versifiés, des stances gnomiques, des énigmes, etc.), on y rencontre du folklore dravidien. Dans le Vayantim laya de Tisi ュhala Kavitilaka, dans le P la face="EU Caron" ゴgasäh&ämacr;lla (Le Conte de P la face="EU Caron" ゴga ) et dans le Pattinih&ämacr;lla (Le Conte de Pattini ), on retrouve sous forme singhalaise l’histoire que raconte l’épopée tamoule Cilappadig ram (Le Lai de l’anneau ), le tout se rattachant au culte de la déesse populaire Pattini.La littérature singhalaise contemporaine est affectée par le problème linguistique. Tandis que la littérature classique ne met pas en cause les règles de la langue écrite, les auteurs modernes sont censés distinguer entre la langue parlée et la langue écrite, bien qu’une connaissance parfaite de la grammaire classique ne soit plus une obligation absolue. Il y a des romans «bilingues», où les dialogues sont écrits en langage courant et les parties descriptives en langue écrite. Cette attitude expose bien entendu aux critiques des partisans des deux écoles. Le premier avocat de la langue parlée utilisée à des fins littéraires a été le vénérable Y. Prajnarama dans son adaptation singhalaise du Pañcatantra , intitulée Vanakata I (1947). Son point de vue a été partagé par Martin Wickramasinghe, l’écrivain singhalais hautement estimé. Mais cela ne résout pas l’écart entre les deux langues, et le dilemme subsiste, forçant l’auteur singhalais moderne à prendre une position linguistique aux implications beaucoup plus vastes: pour ou contre la culture traditionnelle de son pays.
Encyclopédie Universelle. 2012.